Dragon Ball Tenka’ichi Densetsu – Interview Toriyama, Nozawa, Koyama
Cette interview est tirée du TV Anime Guide: Dragon Ball Tenka’ichi Densetsu publié le 7 juillet 2004. (ドラゴンボール 天下一伝説) : guide officiel publié par la Shueisha de la première série animée Dragon Ball. Avec une couverture particulière, conçue à quatre mains par l’animateur historique et créateur de personnages Katsuyoshi Nakatsuru et par Akira Toriyama-sensei (qui a conçu la mise en page générale). Le guide propose des informations sur le contenu et la production de la première série animée ; des biographies des différents personnages qui y ont participé ; une galerie avec les principales images promotionnelles ; une série d’interviews très riche répartie entre les comédiens et l’équipe de production.
Dragon Ball Tenka’ichi Densetsu – Interview Toriyama, Nozawa, Koyama (2004)
« La meilleure discussion à trois du monde »
Une réunion de rêve du trio qui a donné naissance à l’anime Dragon Ball ! Avec des secrets de coulisses, des surprenantes vérités qui peuvent maintenant être révélées, ainsi qu’un amour profond pour Dragon Ball, le contenu fait partie de ce que devez absolument lire !
Question : Quand on parle de Dragon Ball, bien sûr, il y a Gokû. Jusqu’où aviez-vous réfléchi à l’histoire de Gokû au début de la sérialisation ?
Toriyama : En fait, je n’avais pas pensé à grand-chose. Je n’avais pensé à Gokû comme étant un extraterrestre jusqu’à ce que Vegeta arrive, et je pense que je voulais faire à la base de sa transformation en singe géant, une sorte de « Transformation » comme les loups-garous. Le fait d’arriver, au cours de l’écriture, au fait que « Gokû est vraiment un extraterrestre ! » fut quelque chose qui m’a moi-même pris par surprise. (rires) A tous les niveaux, j’avais une seule pensée c’était « de m’inspirer des Pérégrinations vers l’Ouest, avec un peu de kung-fu dedans. » J’étais préparé à terminer l’histoire en 10 semaines si jamais c’était un bide.
Koyama : Qu’en est-il de l’idée des 7 Dragon Balls ?
Toriyama : J’ai pensé que ça serait mieux si, au-delà de l’histoire de Pérégrination vers l’Ouest, il y avait plus d’activités liées à des magazines pour garçons. C’est comme un composant de jeu-vidéo où ils doivent récupérer des choses. Dans ce cas, ensuite, il serait plus simple de comprendre qu’ils auraient leurs vœux exaucés s’ils rassemblaient les Dragon Balls. J’ai donc continué là-dessus sans penser à ce que Gokû et les autres pourraient demander.
Nozawa : Pourquoi y-en-t-il sept ?
Toriyama : Pour aucune raison en particulier. Cela me semblait juste un bon nombre. (rires)
Q : Y-a-t-il une raison pour que Gokû ait la Dragon Ball à quatre étoiles ?
Toriyama : Pas de raisons particulières. (rires) Je me suis juste dit que si c’était la boule à une étoile ou celle à sept étoiles, ce serait trop simple. Le fait que chaque boule ait des étoiles à l’intérieur était aussi simple, pour que ce soit facile de savoir quelle boule est laquelle. De toute façon, à cette époque, alors que je débutais comme artiste mangaka, mon éditeur me disait tout le temps que « un manga shonen devait être simple à comprendre ! ». Même maintenant, c’est resté encrer en moi !
Q : Les personnages ont souvent des marques sur leur corps ou dans le dos. Est-ce pour rendre un personnage facilement identifiable même quand ils ont le dos tourné ?
Toriyama : Non, j’ai juste pensé qu’il manquait quelque chose à l’illustration (rires). Et aussi, c’était plus facile de montrer à quelle école d’arts martiaux ils appartenaient. Gokû a commencé avec le logo « Kame[1] » car il a appris auprès de Kame-Sennin, et plus tard, son logo a changé en « Go[2] » ; Surement parce qu’il s’est entraîné à sa façon.
Koyama : Vous aviez le concept de Gokû qui, étant enfant, s’est cogné la tête et a oublié son objectif de conquête du monde, non ?
Toriyama : Ah c’est vrai. Naturellement, c’est quelque chose qui m’est venu après les faits (rires).
Koyama : Mais si Gokû ne s’était pas blessé à la tête, la Terre aurait été annihilée par Gokû / Kakarot, n’est-ce pas ?
Toriyama : Oui… Je suppose (rires).
Koyama : Hum, c’est peut-être trivial à dire, mais Toriyama-sensei, vous êtes un génie pour avoir réussi à garder l’histoire cohérente. Prendre quelque chose que vous avez commencé à dessiner pour passer la semaine, sans vraiment y penser, et le faire tenir parfaitement avec les faits… Finir une histoire aussi vaste est compliqué à faire, et certains n’y arrivent pas très bien. Mais vous, Toriyama-sensei, vous avez conclu de manière magnifique. C’est vraiment impressionnant.
Toriyama : Ahahah. Mais vraiment, durant la sérialisation, c’était comme ça tout le temps, parce que je bouclais tout en même temps et je me mettais dans un coin et réfléchissais « Hum, qu’est-ce que je vais faire maintenant ? » Même avec le Tenkaichi Budokai, je le dessinais, en me demandant « Je me demande qui va le remporter ? »
Koyama : Et… il y a quelque chose que je voulais vous demander. Est-ce qu’il y a des femmes chez les Saiyans ? Dans votre œuvre originale, il n’y en a pas.
Toriyama : Je n’en ai dessiné aucune.
Koyama : Il n’y a donc pas de femmes ? Les fans de Dragon Ball me le demandent souvent.
Toriyama : En fait, je suis presque sûr qu’elles existent.
Koyama : Et bien, des enfants sont nés, donc ils ne seraient pas là s’il n’y avait pas de femmes, non ?
Toriyama : C’est cela. Si je me rappelle bien, dans un TV Special (Le Père de Son Gokû), une femme Saiyan apparaissait également.
Koyama : De plus, Vegeta s’est marié avec Bulma et a eu un enfant avec elle, donc c’est bien qu’il a dû y avoir des femmes.
Toriyama : Je n’y ai pas pensé en profondeur… mais vu qu’il s’agit d’une race de guerriers, je pense que je n’ai simplement pas dessiné de femmes. S’il s’agissait d’aujourd’hui et de cette période, j’aurai surement dessiné des femmes fortes également.
Koyama : C’était une époque où il n’y avait presque aucune femme qui se battait dans les anime, n’est-ce pas ?
Toriyama : Et bien, ce serait dur de battre une femme.
Q : En parlant de femmes qui se battent, il y a C18.
Toriyama : Ah c’est vrai. C18 est devenue la femme de Krilin à la fin.
Nozawa : J’ai été surprise par cela également ! Tous les comédiens de doublage se sont demandés : « Pourquoi a-t-elle choisi Krilin ? » (rires)
Toriyama : Krilin devait avoir un rôle mineur au début, donc, le faire devenir le meilleur ami de Gokû en un rien de temps…
Koyama : C’est normal c’est le Terrien le plus fort.
Toriyama : Vous avez raison, il est le plus fort parmi les Terriens. Mais en dépit de ça, il finissait quand même très mal, donc je me suis dit « Pour une fois, je vais le laisser être heureux », et je l’ai fait se marier. (rires)
Q : Juste après le 22ème Tenkaichi Budokai, Krilin est assassiné. Cela a vraiment changé à partir de ce point, vous ne trouvez pas ? A partir de là, il a dévié fortement d’un monde à la Dr Slump.
Toriyama : Je suis d’accord.
Nozawa : Quand Krilin est mort, nous avons tous été choqués, pendant l’enregistrement.
Koyama : Gokû, le héros, est aussi mort. Puis, il est revenu avec un halo au-dessus de sa tête. (rires)
Toriyama : Mais, j’ai été sauvé par Gokû en tant que personnage. Même quand il meurt, il se dit, « Et bien, tant pis ».
Nozawa : C’est cela.
Koyama : Ce truc juste là – j’en parle souvent avec Nozawa-san, mais je pense que ce truc de Gokû « Et bien, tant pis » est vraiment le meilleur.
Nozawa : Oui. C’est vraiment très bon. C’est vraiment Gokûesque de dire ça.
Q : Dans cette lignée, y-a-t-il quelque chose de la personnalité de Toriyama-sensei qui ressort avec ça ?
Toriyama : Je ne suis pas aussi pur que Gokû l’est. (rires) Pourtant, je suppose que la façon qu’à Gokû de dire « Et bien, tant pis » est définitivement la mienne.
Koyama : Aussi, son « Ossu, Ora Gokû ! » (Salut, c’est moi Gokû !). Quand il fait son arrivé dans un film, je n’aimerais pas que son « Ora, Gokû ! » devienne « I’m Gokû » (en anglais dans le texte – je m’appelle Gokû). (rires)
Nozawa : Ce n’est vraiment pas « I’m Gokû ! » (en anglais dans le texte)
Koyama : L’impression n’est pas là quand c’est dit en anglais.
Nozawa : Vous savez, j’aimerais vraiment être dans le film en live-action si cela se fait, jouant une vieille dame qui passe par là. (rires) Je voudrais voir Gokû lancer son kamehameha, et dire « Même moi je sais le faire » et partir. (rires)
Toriyama : ce serait vraiment drôle (rires)
Q : Votre méthode pour nommer les personnages est également unique Toriyama-sensei.
Nozawa : Oui, j’adore ça ! Je dis toujours ça « Le nom de ce personnage est formidable ! » Peu importe à quoi ils ressemblent, si leur nom est un légume, alors il y a un thème de légumes, et non de nourriture chinoise ou d’instruments, n’est-ce pas ?
Toriyama : Ahahah. (rires) Je décide de leur nom sans même y réfléchir, c’est embarrassant. Mais à la toute fin, si je ne créé pas de thème, il y a plein de personnages, donc ça créerait tout un tas de problèmes. C’est plus facile de décider dans un thème lié aux légumes.
Koyama : J’étais toujours dans l’expectation de fabriquer des noms dans les scénarios de films. Pour le film Dragon Ball Z : Le Robot des glaces, j’ai même importé un thème de Nagoya, de “Uirō” jusqu’à “Kōchin”. (rires) Je me suis bien amusé en jouant avec ça !
Nozawa : Sensei, y-a-t-il des personnages à qui vous avez eu du mal à donner un nom ?
Toriyama : Pas spécialement. Quand je me décide, « Je vais juste lui donner un nom minable », (rires) je n’ai pas trop de mal.
Koyama : Comme avec les Saibamen ? (rires)
Toriyama : Ah, parce que vous les cultivez [saibai suru]. (rires)
Nozawa : C’est amusant qu’ils sortent quand vous les plantez.
Q : Ils ont des noms amusants, et pourtant ils sont aussi forts et effrayants. Ce paradoxe est aussi très impressionnant.
Toriyama : Piccolo Daimaō est pareil. Au début, c’était vraiment un être maléfique, et je m’étais dit que ce ne serait pas bien de lui ajouter un nom maléfique en plus : donc Piccolo.
Q : Et partant de cela, tous ses subordonnés ont aussi un nom d’instrument de musique ?
Toriyama : Oui, c’est comme si je disais « Fais en des instruments », donc ils sont devenus Tambourine (tambour ndlr), Drum (ndlr : batterie en français) …
Nozawa : Les Nameks sont nommés d’après des escargots pas vrai ?
Toriyama : Ils ont des antennes qui poussent sur leur tête, donc j’ai choisi les escargots (rires).
Nozawa : Et Trunks (ndlr : caleçon), parce qu’il est le fils de Bulma (ndlr : vient de culotte / bloomers), c’est ça ?
Toriyama : Oui. Il y a aussi le Dr. Brief (ndlr : slip en anglais), et même Bra (Soutien-gorge en anglais ndlr) est née… Je me dis qu’il n’y a pas beaucoup de noms de sous-vêtements, donc cette famille ne grandira pas plus (rires).
Nozawa : Le fait que vous pouviez les nommer de manière aussi nonchalante par rapport à des sous-vêtements est à la fois bien et sale.
Q : Est-ce que la raison pour laquelle les membres du Commando Ginyu ont des noms de produits laitiers, est liée au fait que « Freezer = réfrigérateur » ?
Toriyama : Oui c’est cela. Pour cette partie, j’ai décidé « Je vais choisir des choses qui se mettent au frigo ».
Koyama : il y a encore quelques personnes qui n’ont pas réalisé que « Saiya » est l’anagramme de Yasai (Légumes en japonais ndlr). Quand je leur dis, ils sont bouches bée.
Toriyama : Quoi, vraiment ? Ici, j’ai été embarrassé de leur donné le nom « Saiya ». Comme si on allait me dire « Vous avez juste inversé les syllabes de Yasai, n’est-ce pas ? » (rires)
Koyama : Il y a aussi la surprise de voir les noms des Tsufur provenir de « Fruits ». (rires) Les Saiyans sont des légumes, donc vous avez des « Carottes « = Kakarot, Nappa (Choux chinois). Et, au sommet, vous avez le nom de la catégorie elle-même avec Vegeta = Vegetables (légumes ndlr). J’admire vraiment cela.
Toriyama : J’en ai fait des légumes pour contrer l’argument habituel « C’est une race guerrière, donc évidemment viande ».
Nozawa : Je comprends maintenant.
Q : Est-ce que les noms sont importants, même dans l’anime ?
Koyama : Ils le sont. Sans leur nom, je ne peux pas écrire pour eux. C’est comme si le personnage n’avait pas de pouls. S’ils n’ont que des noms provisoires, ce n’est pas bon. Je n’arrive pas à écrire leurs lignes de dialogue.
Koyama-sensei, de votre point de vue de scénariste, quelle est votre vision de l’œuvre originale ?
Koyama : Et bien, au début, j’ai commencé à travailler sur l’anime Dr Slump – Arale-chan, et suite à cela, j’ai lu le premier chapitre du manga. A tous les niveaux, j’ai été impressionné par le charme que Gokû dégageait en tant que personnage. J’avais l’intuition que « si nous faisions tel mouvement, ce serait plus intéressant ». Même sur le papier en deux dimensions, le sens du mouvement était incroyable, donc si nous le transposions en anime, nous pourrions aussi utiliser la profondeur… En ce sens, il y avait tout un flot d’éléments qui, si mis en animation, deviendrait encore plus appréciables. Même là, je n’avais aucune idée que cela deviendrait un travail de pure action. Vous n’en aviez pas du tout l’idée non plus en le dessinant, n’est-ce pas, Sensei ? (rires)
Toriyama : Aucune ! Même moi j’ai été surpris. (rires)
Nozawa : C’est quelque chose à laquelle je ne m’attendais pas non plus. Je veux dire, il est parti en tant qu’enfant jusqu’à ce point, mais ensuite « Quoi il a eu un enfant ? Quand cela s’est-il passé ?! » (rires) Mais même après être devenu un adulte, Gokû est toujours gentil, n’est-ce pas ? Même la première fois que j’ai auditionné, je disais « Whoua, il est tellement choux ! Je veux l’interpréter lui !! »
Q : Quelle a été votre première rencontre avec Dragon Ball, Nozawa-san ?
Nozawa : Il y a au moins 23 ans, j’ai entendu Toei animation en parler « Nous allons faire ceci dans le prochain anime » et ensuite ils m’ont montré un tankōbon de Dr Slump. Depuis ce jour, je me suis dit « Ce mangaka dessine des illustrations trop belles ». Plus tard, on m’a dit « La seconde œuvre de Toriyama-sensei commence prochainement » et je suis allé à l’audition. Mais même en me disant « je veux l’interpréter », je ne savais pas que j’allais avoir le rôle, vous savez ? Donc je me disais « Peu importe ce qu’il se passe, je vais juste jouer Gokû à ma façon ». Et en faisant cela, j’ai été choisie pour jouer le rôle de Gokû, donc j’étais heureuse.
Q : Vous aviez aussi écouté les cassettes des auditions, sensei ?
Toriyama : Oui. J’ai eu l’honneur de choisir Nozawa-san et les autres comédiens principaux. Pour autant, j’en suis désolé, mais je n’ai eu quasiment aucune connexion avec l’anime. Donc, même en entendant Nozawa-san sur la cassette, je ne savais pas que c’était déjà une vétéran. La voix de Nozawa-san collait juste parfaitement à ma propre image de la voix de Gokû.
Nozawa : J’ai aussi heureuse que l’on peut l’être.
Koyama : Je ne sais pas si c’est bon de dire cela, Nozawa-san, mais… à cette époque, un anime[3] dans lequel vous aviez précédemment doublé le personnage principal venait d’être refait, non ?
Nozawa : Ah oui c’est ça.
Koyama : Mais pour le remake, la voix du personnage principal a changé, non ? Donc, Nozawa-san, vous étiez incroyablement déçue… mais juste après, vous êtes devenue Gokû. A la fois le remake et Dragon Ball ont été diffusés sur FujiTV et en même temps, vous ne pouviez pas jouer les deux rôles principaux en même temps chez le même diffuseur, non ?
Nozawa : Même alors, tout allait parfaitement bien.
Koyama : Donc, si vous aviez fait le remake, vous n’auriez pas pu interpréter Gokû.
Nozawa : Maintenant que j’y pense, j’ai vraiment eu de la chance n’est-ce pas ?
Q : en parlant de la production de l’anime Dragon Ball, qu’est-ce qui fait l’attrait de la série ?
Koyama : Un point est l’attitude complètement insouciante de Gokû. Son design est aussi très bon, mais je pense que c’est ça, sa façon d’être, il est vraiment facile à accepter.
Nozawa : Je suis d’accord. Il y a une scène où l’on tire la queue de Gokû, pas vrai ? La façon dont il dodeline et s’écroule est mignonne, j’ai adoré. Je veux un enfant comme Gokû. (rires)
Koyama : En plus de l’aspect mignon de Gokû, les personnages autour de lui ont aussi leur propre attrait. Chacun est unique, et vous pourriez en faire chacun des stars. C’est comme avoir un casting 5 étoiles. Donc vous avez cet attrait pour les différents personnages, et aussi la puissance des illustrations de Toriyama-sensei ! C’est vraiment impressionnant. Même en lisant l’œuvre originale, on dirait que les images elles-mêmes échappent du manga et sautent sur vous. Vous avez ces images mouvantes, avec les voix, la musique. J’ai senti que c’était naturel que les audiences explosent.
Nozawa : J’ai souvent entendu des fans dire que l’attitude déconnectée et studieuse de Gohan, qui devient le Great Saiyaman a aussi un certain charme.
Toriyama : J’aime beaucoup le Great Saiyaman aussi. Gohan est vraiment ringard, donc j’ai senti que ça finirait comme ça. (rires)
Nozawa : Gohan et Goten partagent le sang de Gokû, et cette sorte de gentillesse vient de là quelque part. Surtout dans la façon qu’à Gohan-kun de détester se battre, mais qui respecte quand même son père.
Toriyama : Mais ça a été ardue pour Gohan, car il voulait être un scientifique, mais à la place il devait se battre. Pendant que je dessinais, je me disais toujours, « Il est différent de son père, il doit vraiment détester se battre. »
Koyama : Gohan a connu beaucoup de malchance. Il n’était qu’un petit enfant braillard, il a été entraîné par Piccolo.
Nozawa : Il s’est pris des gros coups sur la tête, et pourtant il ne déteste pas Piccolo. Maintenant que vous le mentionnez, pendant l’entraînement de Gohan enfant, il me semblait que Piccolo s’en prenait à Gohan, non ? Pendant toute cette période, tous les acteurs étaient vraiment dans leur rôle et Jōji Yanami-san (Narration / Kaiō-sama) était en colère après Toshio Furukawa-san, l’acteur qui doublait Piccolo et criait « Hey, ferme-là. C’est juste un enfant ! » (rires) Furukawa-san était perplexe et répondait : « je double juste le personnage… » (rires)
Koyama : On m’a demandé une fois, à une conférence « Etiez-vous le modèle de Piccolo, Koyama-san ? » et j’ai répondu « Quoi !? Non », mais… je suppose que je lui ressemble un peu. A cause de cela, j’aime Piccolo (rires). Spécialement quand j’écrivais le scénario des films, Piccolo avait toutes les meilleures parties. Ce que je veux dire, c’est qu’avec Piccolo c’était très facile d’écrire.
Toriyama : C’est grâce aux ennemis qui deviennent des alliés, ça aide toujours.
Q : Vu que Gokû ne faisait pas vraiment de trucs de père, Piccolo a été un père de substitution pour Gohan.
Toriyama : Gokû ne s’intéresse pas à élever un enfant, probablement. Il est complètement inadéquat pour être un père. (rires) Il n’a même pas de travail. Gokû ne veut rien d’autre que de venir plus fort, et on dirait qu’il n’a pas d’autres instincts. Donc il ne montre absolument aucun intérêt dans les choses qui ne l’intéressent pas. J’aurai même parié qu’il n’avait aucun intérêt à se marier non plus.
Q : Koyama-san, quels sont les domaines dans lesquels vous avez le plus de difficulté avec Dragon Ball ?
Koyama : En tant que fan, j’attendais impatiemment les développements de la sérialisation, mais en tant que membre du staff, ce qui me faisait le plus peur, c’était que l’anime rattrape l’œuvre originale. C’était incroyablement tendu. Bien sûr, je n’aurais pas pu prendre l’initiative et faire avancer l’histoire de moi-même, donc j’aurais inséré des fillers, et attendu jusqu’à ce qu’on ait assez de matériel.
Q : Vous avez dû avoir beaucoup de difficultés avec cela.
Koyama : Dans un certain vieil anime sur le baseball[4], c’est devenu un sujet de discussion quand le personnage principal, le lanceur, prenait 30 minutes pour faire un lancer. Dans Dragon Ball, aussi, la chose la plus incroyable était quand j’écrivais un seul épisode à partir d’une seule case. (rires)
Q : Quel est cet épisode de la série ?
Koyama : Je ne m’en souviens plus du tout.
Toriyama : Je suppose que cela a causé beaucoup de soucis. Je veux dire, un manga ce n’est rien d’autre que 15 pages par semaine.
Koyama : Si c’est un flot de scènes d’action les unes derrière les autres, l’histoire ne peut pas vraiment faire de détours, n’est-ce pas ? C’est bien avant que l’action ne débute, où vous pouvez insérer des petits bouts d’histoires diverses, mais pendant l’action, si vous faites cela normalement, c’est fini avant que vous ne vous en aperceviez. C’était vraiment dur d’essayer de faire durer ces parties. De plus, il y a eu des fois quand je recevais les planches par fax et écrivait le scénario à partir de celles-là, où, en visant ces parties, je sentais que le développement de l’histoire ralentissait un peu.
Q : Et pour vous Nozawa-san ? Avez-vous eu des difficultés à jouer le triple rôle de Gokû, Gohan et Goten ?
Nozawa : Tout le monde me dit toujours cela, mais savez-vous comment les scènes sont tournées durant une session d’enregistrement ? Si c’était Gokû, dès qu’il apparaissait à l’écran je devenais Gokû. C’est comme appuyer sur un bouton. Si c’était Thalès, (ndlr : le méchant d’un de films – Tullece), je me mettais instantanément en mode Thalès. Donc, je pouvais avoir des conversations entières sans soucis.
Koyama : Normalement, vous enregistreriez la voix de Gokû d’abord, puis celle de Thalès, mais Nozawa-san continuait juste d’enregistrer. Donc à la fin, je prévoyais des dialogues entre eux exprès dans le scénario (rires).
Nozawa : Oh, c’est vrai ? (rires)
Koyama : Je pense que j’essayais de vous tester en vous causant des soucis. Vous mais n’aviez aucune difficulté. (rires) Vous êtes vraiment très haut niveau. Ce n’est pas quelque chose que tout le monde peut faire. Même en regardant de l’extérieur, Nozawa-san, nous pouvions dire que vous changiez instantanément de l’un à l’autre.
Q : Si vous écoutez et comparez Gokû enfant et Gohan enfant, il y a une différence.
Nozawa : Oui, car ils ont été amenés différemment.
Toriyama : Je vois.
Nozawa : Et leurs designs sont différents, aussi. Gokû et Goten-kun se ressemblent beaucoup, mais Goten a été élevé par ses parents, donc il est vraiment différent de Gokû. J’essaye de faire ressortir ces différences.
Q : Quand vous dessinez ces storyboards, Toriyama-sensei, entendez-vous Gokû avec la voix de Nozawa-san ?
Toriyama : Oui, bien sûr.
Koyama : Je suis pareil. Sans cela, le rythme changerait. Pour chaque anime, quand vous écrivez le tout premier épisode, les voix ne sont souvent pas encore déterminées, donc cette partie-là est incroyablement dure à écrire.
Toriyama : Wow.
Koyama : Donc, une fois les auditions finalisées, les comédiens choisis, et que vous entendez leurs voix, c’est plus facile d’écrire. C’est un point délicat mais qui existe vraiment.
Q : Est-ce qu’il y a des choses dans le manga également ?
Toriyama : Je pense que ce n’est pas avant d’avoir vu l’anime que j’ai vraiment pris conscience du « Ora » de Gokû (ndlr : Je / Moi) et que j’ai commencé à plus le mettre. Jusqu’à ce moment-là, je pense qu’il ne disait pas « Ora Gokû » beaucoup dans l’œuvre originale. D’un autre côté, j’avais déjà cette image dans mon esprit.
Q : « Ossu ! Ora Gokû » est une partie familière des previews des prochains épisodes (rires).
Nozawa : Au début, je disais quelque chose comme « Ō, ora Gokū » mais après l’avoir fait quelques fois, j’ai dit « Ossu ! Ora Gokû » et me disait « C’est bon ». C’est devenu une seconde nature.
Toriyama : J’ai moi-même aussi utilisé le « Ossu ! Ora Toriyama » en écrivant des emails (rires).
Koyama : Maintenant que vous le mentionnez, il y a tout un tas de vidéos Dragon Ball qui sont sorties dans les pays à travers le monde. En regardant [une version], la voix de Gokû était étrangère, bien sûr, vu qu’elle était doublée, mais la voix pour crier « HAAAA ! » était immanquablement la votre Nozawa-san. Cette voix fait probablement partie de celles qu’on ne peut pas imiter.
Toriyama : On dirait que vous vous blessiez à la gorge pendant les scènes de combat avec ça. Vous allez bien ?
Nozawa : Les gens me le demandent souvent. Même d’autres acteurs vétérans me disaient, « vous êtes un vrai monstre ». (rires) Mais mes cordes vocales vont bien. Pas de soucis du tout.
Toriyama : C’est incroyable.
Koyama : Et bien, c’est trivial de dire cela, mais personne ne le croyait quand je leur disais, « Cette Nozawa-san est Gokû » juste en écoutant votre voix. Ce haut niveau d’énergie et cette intensité pendant les scènes d’action ne font pas vraiment femme.
Toriyama : Etait-ce difficile de maintenir ce haut niveau d’énergie ?
Nozawa : Non, ce n’était pas dur non plus.
Koyama : Nozawa-san, vous êtes vraiment l’une des « Sept Merveilles de Dragon Ball ».
Q : Aussi, les autres comédiens dans le studio d’enregistrement indiquaient que l’ambiance était vraiment bonne.
Nozawa : Oui, c’était la meilleure. Les comédiens de seconde zone disaient souvent « Je veux être dans Dragon Ball » car s’ils apparaissaient dans cette œuvre, ils auraient été reconnus par la profession.
Koyama : Ah, oui. Il y avait mon protégé, un romancier talentueux dont l’œuvre a été faite en anime, mais son entourage ne voulait toujours pas le reconnaître. Mais dès qu’il a écrit un seul épisode de Dragon Ball, là ils disaient « Vous êtes incroyables ! » (rires). En fait, dès que je dis que je travaille sur Dragon Ball, j’apprends que je suis populaire chez les jeunes. Ils écoutent ce que j’ai à dire (rires).
Nozawa : Pareil pour moi quand j’ai fait un programme radio avec un acteur vétéran du cinéma, il m’a dit « excusez-moi mais pouvez-vous signer mon scénario svp ? » J’ai même appris que quand son enfant a vu le script, il lui a dit « maintenant que tu as joué avec la personne qui joue Gokû, Papa, tu es finalement devenu un vrai acteur ». (rires) Pour les enfants, Dragon Ball c’est du sérieux.
Koyama : Vous entendez souvent la phrase « je suis content d’être né dans la même génération que untel ou untel ». De la même façon je pense que c’est probablement une bonne chose d’être de la génération Dragon Ball. Quand quelque chose fait aussi forte impression sur vous en tant qu’enfant, à chaque fois que vous en parlez, même à 30 ans, vous retournez instantanément dans votre enfance. Je pense que les enfants qui peuvent avoir un job comme ça sont heureux, et avoir pu leur présenter une telle œuvre me rend aussi heureux.
Q : C’est aussi l’attrait de l’animation et du manga non ?
Koyama : C’est ça. C’est pourquoi je ne peux me séparer d’un anime comme Dragon Ball. La joie de donner quelque chose comme ça aux enfants est plus grande que faire des choses à destination des adultes. Surtout dans des œuvres comme Dragon Ball – en gros, vous pouvez créer un standard. Un « standard international » même.
Q : Avez-vous eu des demandes particulières quand ça a été réalisé en anime, Sensei ?
Toriyama : Non, pas du tout. L’anime a sa propre façon de faire les choses, donc je pense qu’il vaut mieux laisser ça à des professionnels. Manga et anime sont des choses différentes, mais je pense que c’est mieux quand vous avez le sentiment que « ils sont connectés à un moment ou un autre ». Au début de la sérialisation, je ne savais même pas si ça allait plaire aux lecteurs, donc je ne pensais pas du tout que ça pouvait devenir un anime.
Koyama : Maintenant, les anime japonais donnent des rêves aux enfants à travers le monde, et par-dessus tout, Dragon Ball se situe en tout premier lieu. Je ressens vraiment une certaine joie à cela. Avoir été capable de partager ce trésor, dans la même époque, les fans et moi sommes ravis.
Nozawa : C’est un trésor pour moi aussi. Et ça le restera pour toujours. Même dans 100 ans, je pense que les enfants le regarderont toujours. Vous savez, je dis aux enfants japonais « Vous pouvez vous vanter ». Dragon Ball est connu à travers le monde, non ? Mais, les premiers à l’avoir vu sont les enfants japonais. Doc, « n’êtes-vous pas heureux d’être japonais ? » (rires) De plus, les enfants et les adultes peut le regarder, et en parler, non ? Je pense que c’est aussi quelque chose de très bien.
Q : Et qu’en est-il de l’homme qui a écrit tout cela, Sensei ?
Toriyama : Je pense toujours cela quand le sujet arrive, mais moi-même je le faisais sans le prendre trop au sérieux. Donc, quand les choses sont devenues plus importantes, je suis en quelque sorte amusé par toute cette proportion. Comme pour la queue de Gokû, je ne pensais pas plus loin que « C’est l’archétype de l’enfant sauvage, donc il a toujours une queue », donc pour les lecteurs, je ne peux rien dire d’autre que « je suis désolé d’être autant un manga arbitraire ». (rires) Donc comme cela, je n’ai pas autant de souvenir que ça de quand je le dessinais à l’époque, et on a un peu le sentiment que « Est-ce que c’est moi qui ait dessiné cela ? » Je ressens aussi parfois « Peut-être aurais-je du faire mon travail plus sérieusement » (rires).
Koyama : Mais si vous aviez fait des choses plus calculées, je ne pense pas que cela aurait été un tel hit.
Nozawa : Vous savez, la vérité est que, je ne pense pas que Dragon Ball soit une œuvre qui soit terminée. J’ai le sentiment que, même maintenant, Gokû est toujours là à s’entraîner.
Toriyama : Je pense que Gokû est toujours en train de chercher, sans arrêt, une plus grande puissance. Donc je ressens toujours cela, même maintenant, il est toujours en train de s’entraîner avec Oob.
Q : Vous pouvez encore imaginer Gokû s’entraîner nuits et jours ! Merci beaucoup pour aujourd’hui !
(enregistré le 18 mai 2004)
[1] 亀 (kame; « tortue ») vient de la première syllabe de “Kame-Sen’nin”.
[2] 悟 (go; « comprendre » « discerner ») vient de la première syllabe de “Goku”.
[3] Koyama fait référence à la troisième série GeGeGe no Kitarō (diffusée en 1985-’88), basée sur le manga de Shigeru Mizuki.Dans la première série (diffusée en 1968-’69) et la seconde série (diffusée en 1971-’72), Nozawa a interprété le personnage principal Kitarō; Pour la troisième série pourtant, le rôle a été donné à Keiko Toda (maintenant très connu pour être la voix d’Anpanman).
[4] Kyojin no Hoshi (“Star of the Giants”), qui a commencé sa diffusion en 1968 et avait en casting Tōru Furuya (La voix de Yamcha) pour le personnage principal Hyūma Hoshi.
Traduction : Matthanor
Source : Kanzenshuu
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